Chapitre 26
Dix minutes plus tard, elle me déposait devant l'immense maison de Raphael. Les vampires nous avaient discrètement suivies dès que nous avions franchi l'entrée de la propriété, mais ils n'avaient pas cru bon de nous interpeller. Ils m'avaient reconnue. Hector m'ouvrit immédiatement la porte. Toujours vêtu de sa tenue parfaite de parfait majordome.
— Bonsoir, madame. Nous ne vous attendions pas si tôt.
— Si tard, vous voulez dire, Hector.
— Absolument, madame. Puis-je vous faire humblement remarquer que vous dégagez une forte odeur de sang et qu'il serait bon de vous changer.
— La nuit a été longue et pénible, Hector. Longue et pénible.
— Je n'en doute pas. Puis-je vous faire préparer un bain?
— Ce ne serait pas de refus. Merci.
— Mais je vous en prie. Je vais avertir mon maître.
— Je suis là, Hector. Je vais personnellement m'occuper de madame Kean, fit bientôt une voix derrière nous.
Raphael me regardait en souriant et je ne pus m'empêcher de me sentir heureuse.
— Je suis si fatiguée que je n'arrive même plus à tenir sur mes jambes.
Je n'eus même pas le temps de le voir bouger qu'il me soulevait déjà dans ses bras.
— Mais je peux marcher, ajoutai-je les jambes en l'air.
— Et je peux te porter, dit-il en embrassant délicatement mon front.
Il y a des jours comme ça où on en a marre de lutter. Lutter contre ses désirs, lutter pour ne pas mourir, lutter pour faire son job... C'était un de ceux-là. Je lâchai prise et collai ma tête contre son torse tandis qu'il montait l'escalier.
— Elle rentre toujours aussi tard ? fit tout à coup une voix sur le palier.
Michael nous observait, un rictus de haine sur son visage.
— Que dirais-tu d'attendre qu'il s'endorme et de lui arracher le cœur? dis-je en caressant la joue de Raphaël.
— C'est pas un peu extrême comme réaction ? répondit-il en riant.
— Tu as de gros progrès à faire pour devenir une hôtesse digne de ce nom, dit Michael en me fusillant du regard. Tu devrais lui apprendre les bonnes manières, Raphaël, elle en a grand besoin. Je te conseille le fouet. Et ordonne-lui d'aller se laver. Mes hommes sont des guerriers. Ils sont bien moins civilisés que les tiens et je ne peux garantir sa sécurité si elle continue à se balader avec des vêtements couverts de sang.
J'avais envie de l'étrangler. Cet enfoiré savait pertinemment où j'avais passé la soirée et pourquoi j'étais couverte de sang. Tout comme il savait que je ne parlerais pas de notre rencontre de ce soir.
— Tu es vraiment... commençai-je, mais Raphaël posa ses lèvres contre les miennes et j'entendis bientôt sa voix dans ma tête.
— Chut, ma douce, ne t'énerve pas, c'est exactement ce qu'il désire. Il cherche à te provoquer. Il veut que tu l'insultes afin de m'obliger à te punir. Ne pas le faire serait considéré comme un manque de respect envers nos invités.
— Je rêve de lui broyer les parties génitales. Les coups de fouet ne me font pas peur. J'ai été élevée par les Vikaris. Ça vaudrait peut-être le coup...
— Te voir dans mes bras, te sentir si près de lui et ne pas pouvoir te toucher est bien plus douloureux que tout ce que tu pourrais lui infliger.
— À plus tard, Michael, se contenta de répondre Raphaël d'un ton neutre, en me portant jusqu'à sa chambre.
Une fois la porte fermée, je jetai rapidement un sort de silence autour de nous.
— Enfin seuls, dit-il tandis qu'il me posait délicatement sur son lit.
Ce n'était pas la première fois que je dormais chez Raphaël, ni que je me retrouvais dans son lit, mais c'était la première fois que nous passerions réellement la nuit ensemble. Je comptais sur mon intense fatigue pour ne pas faire de bêtise.
— Je te fais couler un bain, dit Raphaël en se dirigeant vers la salle de bains.
— Tu n'aurais pas dû me poser sur les draps, je les ai salis.
— Aucune importance. Je t'ai choisi plusieurs tenues pour la nuit. Elles sont dans le placard et il y a un dîner froid dans le petit frigo.
— Le petit frigo ? Depuis quand as-tu un petit frigo dans ta chambre ? demandai-je en regardant le minibar posé près du lit, en lieu et place de la table de chevet.
— Depuis que je sais que tu vas rester quelque temps avec moi. Hector l'a remonté avant que tu n'arrives. J'ai pensé que tu serais plus en sécurité ici que dans mes cuisines.
Il devait être 5 heures du mat et je n'avais pas encore mangé. Ce qui expliquait en partie mon état de fatigue. J'attrapai rapidement une assiette contenant de la charcuterie, du fromage, de la viande froide et des salades.
— Hector est un amour, fis-je en saisissant les couverts.
Raphaël m'observait silencieusement. Puis, il ôta sa veste et vint s'asseoir derrière moi. Je sentis bientôt ses mains se poser doucement sur mes épaules. Et il se mit à me masser.
— Michael t'a suivie ce soir, murmura-t-il.
— Oui. J'ai été étonnée qu'il échappe à ta surveillance, dis-je en avalant une autre bouchée.
— Ce n'est pas le cas. Mais j'ai trouvé plus sage de ne pas intervenir et de le surveiller à distance.
— Je déteste ça, Raphaël. Je déteste savoir qu'il peut à tout moment me tomber sur le dos.
— Et moi ? Tu crois que j'aime ça ?
Franchement, je n'en savais fichtrement rien.
— Alors, pourquoi lui as-tu accordé autant de temps ?
Raphaël pinça les lèvres.
— Il pense que tu l'aimes toujours et qu'il peut te reconquérir. Il te faudra au moins tout ce temps pour le persuader du contraire. Et puis, ça fait dix ans que tu lui dois une explication...
— Quoi ? Une rupture, ça prend quoi ? Je ne lui dois rien. Il est complètement malade. J'ai eu une liaison avec lui qui a duré deux mois ! Ce n'est rien, rien du tout.
— Ce n'est pas une question de temps et tu le sais. Moi non plus, je n'aurais pas accepté de te perdre si j'avais été à sa place.
— Non mais tu es pragmatique. Tu ne te serais pas lancé dans une quête aussi puérile, tu serais passé à autre chose et tu aurais poursuivi ta vie normalement. Au lieu de te ridiculiser et de risquer la vie de tes hommes pour une femme. Quel guerrier digne de ce nom se comporte aussi bêtement, hein ? Dans mon peuple, on l'aurait guillotiné pour moins que ça, fis-je d'un ton méprisant.
— Je m'en doute. On connaît votre romantisme, dit- il d'un ton sarcastique.
— Ah parce que tu trouves cette attitude romantique ? Moi je la trouve grotesque.
— Si ton pouvoir a agi sur lui comme il l'a fait sur moi, alors crois-moi, son comportement n'est pas si surprenant.
Ma magie avait un effet étrange sur Raphaël. Elle faisait petit à petit ressortir chez lui des émotions, des sentiments qu'il ne ressentait plus depuis des siècles. Ça le perturbait. Et moi aussi.
— Tu n'as aucune idée de ce que tu représentes pour des hommes comme nous, Rebecca, ajouta-t-il doucement.
Si Raphaël se mettait lui aussi à débiter des niaiseries sentimentales, j'étais foutue.
— Ô Roméo, mon Roméo, pourquoi donc es-tu Roméo ? raillai-je.
— Ne te moque pas de moi, sorcière. Après tout, c'est ta faute, dit-il en faisant glisser ses mains dans le bas de mon dos.
— Le fait que mon pouvoir agisse de cette façon sur les vampires est une vraie calamité, balbutiai-je tandis que mon corps frémissait sous ses caresses.
— Mais ça peut être aussi une bénédiction. Tu nous ramènes à la vie, chuchota-t-il en embrassant tendrement ma nuque.
— Je vais prendre mon bain, fis-je en me levant brusquement.
Je me dirigeai vers la salle de bains l'entre-jambe trempée de désir et le souffle court.
— Tu ne pourras pas toujours me fuir, dit-il tandis que je fermai la porte.
— Fiche-moi la paix.
J'avais un pied à peine posé dans la baignoire que j'entendis frapper discrètement.
— Pas question, fis-je en direction de la porte.
— Tu sais qu'il n'y a pas de verrou ?
Et même s'il y en avait eu un, ça n'aurait rien changé. Je me faisais l'effet d'être un des trois petits cochons dans sa maison de paille : « Je vais souffler et souffler si fort que ta maison s'envolera... »
— Si tu oses entrer, je...
Mais il était déjà là. Une pile de serviettes dans les bras.
— Dehors ! criai-je en lui balançant une bouteille de shampoing.
— Tu ne veux pas de serviettes ?
Je jetai un coup d'œil et aperçus une sortie de bains épaisse et noire.
— Non. Je prendrai ton peignoir. Allez, ouste !
— Mon peignoir ? Hors de question, il va être trempé ! continua-t-il, hilare.
— Raphaël !
— Oui mon amour ?
— Si tu ne sors pas d'ici, je...
Je fis appel au pouvoir de l'Air et le propulsai violemment hors de la salle de bains.
Puis, j'entendis un bruit sourd et un éclat de rire.
— T'es vraiment un sale gosse !!! lui criai-je.
— Un sale gosse ?
Son rire redoubla soudain d'intensité.
Quand je sortis enfin de la salle de bains, Raphaël était assis en tailleur sur le lit. Il jouait un air de guitare dont la douceur me fit frissonner. Il était torse nu et je ne pouvais détacher mes yeux de sa peau blanche, de ses muscles fins et développés.
Je m'allongeais, emmitouflée dans son peignoir sous les draps, de l'autre côté du lit et écoutais les accords parfaits jaillir de ses doigts sans oser prononcer un seul mot. Les superbes traits de son visage n'étaient plus figés mais semblaient s'animer au fur et à mesure que les notes sortaient. Il était incroyablement doué et sa musique était remplie d'émotion.
Jamais jusqu'à présent, je n'avais pensé qu'un vampire puisse posséder un talent artistique. Des êtres insensibles n'auraient pas dû en être capables. Mais comme le disait si bien Raphaël, il n'était pas un vampire ordinaire. Et je commençais vraiment à le croire.
— Ça faisait très longtemps que je n'avais pas eu envie de jouer, dit-il en la reposant délicatement sur le lit.
— Tu as beaucoup de talent, admis-je.
— J'ai retrouvé une sensibilité, des émotions. Sans elles, tout ça n'aurait pas d'intérêt, répondit-il en me caressant doucement le front.
— Puisque nous en sommes aux confidences, dis-moi la vérité. C'est à cause de la magie que tu m'as si souvent aidée et protégée ? C'est parce que je te rendais ton humanité ? Tes sensations ?
— Ça te paraît futile ?
— Non. Tu sais, mon clan considère que le moindre sentiment, le moindre attachement est un signe de faiblesse. J'ai mis pas mal de temps à comprendre que ce n'était pas tout à fait le cas. Et que vivre autrement, ressentir des émotions pouvait s'avérer être une véritable source de plaisir et de bien-être.
— L'amour que je porte à ma fille, la tendresse que j'ai pour Beth et...
Je m'interrompis.
— Enfin bref, tout ça n'est pas forcément négatif.
— Pour qui d'autre as-tu de la tendresse ?
— De quoi... ?
— Tu n'as pas voulu terminer ta phrase mais je suis curieux. Pour qui d'autre éprouves-tu de la tendresse ?
— Tu le sais parfaitement, fis-je en soupirant.
Il ne bougeait pas. Figé comme une statue.
— J'aurais dû tuer ce maudit loup, dit-il d'un ton aussi acéré qu'une lame de rasoir.
— Arrête ! Bruce n'est qu'un ami et contrairement à ce que nous laissons croire à tout le monde, nous ne sommes pas vraiment ensemble, toi et moi. Alors ne complique pas tout, d'accord ?
Il s'allongea au-dessus de moi. Ses yeux, ses cheveux étaient devenus soudain aussi blancs que la neige et je sentais son pouvoir me picoter la peau.
— Alors comme ça, nous ne sommes pas ensemble toi et moi ?
Il colla ses lèvres contre les miennes et je sentis tous mes sens s'enflammer.
— Non... murmurai-je.
S'il avait fait preuve d'arrogance, s'il m'avait sauté dessus avec une envie bestiale, j'aurais pu résister. Mais ce n'était pas ça. Pas ça du tout. Il y avait tellement de tendresse, de douceur, de respect dans son baiser que ça me désarmait complètement.
— Non... Raphaël, non...
Il reposa doucement ses lèvres sur mes lèvres. Je sentis son pouvoir pénétrer en moi tandis qu'une vague de plaisir se mit à m'envahir brusquement.
Deux mille cinq cents ans d'expérience... un seul de ses baisers était capable de me provoquer un orgasme. Si le reste était à l'avenant, mon cœur n'y résisterait pas.
Sa bouche effleurait mon cou, tendrement.
Il avait ouvert mon peignoir et je me retrouvai nue, devant lui, pour la première fois.
— Ne fais pas ça.
— Arrête de me torturer, fit-il en me caressant les seins. Je n'aurais pas la force de me contenter de...
Je posai mon doigt sur ses lèvres parfaites.
— Tu t'es nourri ?
— Non, pas depuis le dîner de ce soir. Mais ça peut attendre.
Je jetai un coup d'œil à l'horloge ancienne posée contre le mur. Elle affichait 6 heures du matin. Son dernier repas remontait donc à plus de six heures. Raphaël m'avait confié qu'il devait se nourrir toutes les quatre heures. C'était le prix à payer pour ne pas sombrer dans l'état de catalepsie dans lequel tombaient tous les vampires au lever du jour.
— Non. Viens, fis-je en soulevant mes épais cheveux bruns.
Sa bouche se posa tendrement sur mon cou mais il ne s'arrêta pas à la jugulaire et descendit lentement sur mon ventre, tandis que ses mains agrippaient mon bassin.
— Raphaël, qu'est-ce que...
Mais je m'interrompis. Qu'est-ce que ça changeait après tout ? Peut-être que si je me rassasiais enfin de mon désir pour lui, les choses deviendraient plus simples. Pierre m'avait conseillé de devenir la maîtresse de Raphaël, de me donner à lui corps et âme pour décourager Michael.
Peut-être avait-il raison ? Peut-être était-ce le seul moyen de me débarrasser du danger que le Consiliere représentait pour moi et pour ma fille.
—Ne crains rien, dit-il d'une voix rauque et sensuelle, en relevant la tête. Je ne te prendrai jamais ta liberté ou ton libre arbitre. Je veux juste que tu me laisses te le prouver, Rebecca...
Je me plongeai dans ses yeux et y vis tant d'émotion que je me mis à trembler.
— Je ne sais pas comment répondre aux sentiments des autres, tu n'es même pas censé en avoir...
Il se contenta de sourire puis posa sa bouche experte dans mon entrejambe en m'écartant doucement les cuisses. Et je me mis immédiatement à gémir. Il était doué, bien plus doué encore que je n'avais pu l'imaginer. Chacune de ses caresses provoquait une onde de choc dans mon corps. Je frémissais, je tremblais, mes mains s'égaraient dans ses cheveux, sur son cou, sur son dos de satin. Je ne pouvais plus penser. J'étais devenue animale.
— Raphaël, non... soufflai-je tandis que mon corps se raidissait et que mes membres se tendaient.
Soudain, je sentis ses crocs me pénétrer. Je restai un instant à la frontière entre plaisir et douleur puis une vague de jouissance à l'état pur me submergea. Un flot de larmes se mit à couler sur mes joues et des sons incompréhensibles sortirent de ma gorge sans que je puisse les retenir. Je savais que la morsure des vampires était orgasmique, que leurs crocs contenaient une sorte de drogue aphrodisiaque et grisante mais elle ne m'avait jamais fait un tel effet jusqu'à présent.
— Tu vois, je me suis nourri, dit-il d'une voix troublée.
J'ouvris les yeux, mon corps toujours soumis aux tremblements.
— Comment ? Je veux dire...
— Ma morsure est extrêmement puissante, Rebecca Je ne t'avais jamais injecté la dose entière avant aujourd'hui.
— J'ai la tête qui tourne.
— Tu veux que nous arrêtions ?
Arrêter ? Il m'aurait fallu bien plus de volonté que je n'en possédais pour en être capable.
— Viens...
Il laissa échapper un gémissement d'impatience et ôta rapidement le reste de ses vêtements. Son corps était parfait, comme sculpté dans la glace. Il était muscle, puissance, grâce. Chaque centimètre de sa peau rayonnait et son regard affichait une expression à la fois joyeuse et profonde.
— Si tu savais depuis combien de temps j'attends ce moment, murmura-t-il.
Il posa sa bouche sur la mienne et me pénétra doucement tandis que je poussai un gémissement de plaisir. Puis, il se figea. Je le regardai, surprise. Il ne ressemblait plus à une statue trop belle pour avoir été sculptée par des mains humaines, mais à un animal, un animal dont la faim et le désir étaient d'une telle intensité que je fermai mes yeux aussitôt.
— Regarde-moi, je veux te voir, murmura-t-il tandis que je sentais ses hanches battre doucement contre les miennes.
Son parfum, ses allées et venues au creux de mes reins, étaient des sensations merveilleuses, des sensations telles que je n'en avais jamais ressenti, de celles pour lesquelles on pourrait vendre son âme au diable. Il plongeait et replongeait toujours plus profondément en moi, atteignant des endroits qu'aucun autre n'avait jamais réussi à effleurer. J'enfonçai mes ongles dans son dos, poussai des cris étranges et me crispai à chaque fois davantage. Les spasmes se firent de plus en plus nombreux et alors que j'allais atteindre l'orgasme, il me retourna brutalement.
— Qu'est-ce que...
Mais il ne me laissa pas le temps de parler avant que je sente son sexe long et puissant me pénétrer de nouveau. Je hurlai de plaisir et me retrouvai à quatre pattes, les fesses relevées, tandis qu'il accélérait le rythme et que je sentais ses doigts se pose sur la partie la plus sensible de mon anatomie. Le plaisir devint alors si violent que j'avais l'impression que j'allais fondre et disparaître dans les draps. Mon corps était parcouru de frissons de la tête aux pieds Je haletais.
Mes mains tordaient les draps. C'était incroyablement bon. Si incroyablement bon que je ne savais pas si je m'en remettrais ou si j'aurais encore la force de respirer la seconde suivante. Puis, je sentis l'orgasme monter et me submerger. Raphaël accélérai de plus belle, sa respiration s'emballa, des convulsions secouèrent son corps et le mien. Et nous nous mîmes à hurler tandis que mon pouvoir jaillissait en lui et que le sien se déversait en moi comme un vent à la fois doux et chaud. Je m'écroulai sur le ventre et tournai la tête. Ses cheveux avaient une couleur neige. Ils flottaient comme mus par le vent frais de la magie qui scintillait à présent, autour de nous. Je regardai effarée mon corps nu couvert d'un halo rouge.
Et croisai le regard émerveillé de Raphaël.
— Que nous arrive-t-il ? fis-je tandis qu'il s'allongeait contre moi et me serrait dans ses bras.
— Mon pouvoir appelle le tien et le tien le mien. Ils se sont mélangés comme nous l'avons fait avec nos corps lorsque nous avons baissé nos défenses.
— Génial, et que suis-je censée faire ?
— Recommencer, dit-il en posant ses mains sur mes hanches.
Non mais il blaguait ou quoi ? Je m'apprêtai à râler lorsqu'il posa doucement ses lèvres sur les miennes.
Mon désir était si fort que je me coupai la langue sur ses canines. Du sang envahit ma gorge et soudain, des vagues brûlantes et violentes d'énergie nous submergèrent.
— Raphaël...
Je regardai ses yeux blancs et la lumière qui jaillissait de sa peau. Lorsqu'il me pénétra à nouveau, j'avais perdu toutes mes inhibitions. J'étais saoule, perdue dans l'ivresse de la magie qui transperçait mon corps et mon âme. Nous ne formions plus qu'un. Chaque coup de reins, chaque gémissement nous unissait un peu plus étroitement, formant une sorte de lien invisible qui nous reliait l'un à l'autre. Ça aurait dû me gêner, me terrifier même, mais j'aurais pu mourir sur place plutôt que de me priver de la douceur de sa peau et de la chaleur du pouvoir qui vibrait entre nous.
— Tu es à moi, chuchota Raphaël, en m'arrachant un cri qui n'avait rien à voir avec la douleur.
Même si je l'avais voulu, en cet instant précis, je n'aurais pas pu le nier. Je voulais me fondre en lui, en cette aura palpitante qui me captivait et provoquait une sensation d'extase dont un esprit mortel, dénué de magie, ne pouvait soupçonner l'existence.
—C'est toi qui m'appartiens, dis-je tandis que je le sentais se baigner du feu intérieur qui me dévastait et terrassait une bonne fois pour toutes, les barrières protectrices qui restaient encore entre nous.
Le monde se mit alors à vaciller. Le pouvoir de la vie, celui qui naît de l'énergie masculine et féminine, emplit l'air et nos auras s'entrelacèrent comme des plantes grimpantes formant une immense racine. Elles se mêlaient et se recouvraient, à la fois eau et brasier, amertume et douceur, force et fragilité.
Je n'avais plus aucun contrôle. J'absorbais son essence aux mille couleurs, les oreilles bourdonnantes tandis qu'un flot de visions affluait devant mes yeux et qu'une jouissance infinie chassait toute autre pensée de mon esprit.
— Ton pouvoir... il est comme celui d'un être vivant ! hurlai-je avant de m'éparpiller dans les étoiles qui parsemaient ses yeux.
— Oui ma douce, dit-il, à son tour, terrassé de plaisir.
La première chose que j'entendis en reprenant connaissance, ce furent les battements de son pouls.
— Tu m'as menti... parvins-je à chuchoter.
Raphaël léchait la sève qui avait coulé sur mon ventre. Le pouvoir s'était solidifié et la pression qui existait quelques minutes plus tôt dans la chambre avait disparu.
— Non. Je ne t'ai simplement pas tout dit, dit-il en relevant la tête.
— C'est pareil.
— Pas vraiment...
J'aurais dû être furieuse mais ce n'était pas le cas Au contraire. Je ressentais un tel bien-être, un tel sentiment de plénitude et d'intense satisfaction que je ne parvenais pas à lui en vouloir et j'étais si épuisée que ma poitrine était à peine capable de se soulever pour me permettre de respirer.
— Tu m'expliqueras? murmurai-je, en sombrant dans le sommeil.
— Dors, fit-il en s'allongeant près de moi et en me serrant contre lui.
Son odeur était sucrée et rassurante, un peu comme le caramel et la barbe à papa. Je coinçai ma tête sous son aisselle, respirai doucement et sombrai dans les bras de Morphée, une mèche de ses longs cheveux blonds enroulée dans ma main.